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Le diagnostic est pluridisciplinaire et nécessite plusieurs avis selon les champs de compétences de chaque profession. Souvent, le thérapeute manuel alerte les parents et oriente en orthophonie (sur prescription médicale : médecin traitant, pédiatre, médecin de PMI, médecin spécialiste de la sphère orale, etc.) ; l'orthophoniste renvoie ensuite vers le spécialiste qui opère et la décision se prend conjointement avec les autres professionnels de santé en fonction des bilans et de la décision éclairée des parents.
Une évaluation complète consiste à prendre en compte l'anatomie, la fonction mais aussi la symptomatologie.
La protrusion linguale (fait de sortir la langue) n'est pas un bon test diagnostique pour déterminer la présence d'un frein lingual restrictif. Actuellement, il s’agit de LA dimension à laquelle la plupart des médecins ont recours lorsqu’ils évoquent le problème du frein lingual, pourtant le diagnostic comporte plusieurs dimensions (notamment l'élévation linguale).
Chez le nourrisson et le tout-petit non coopérant, le diagnostic ne consiste pas simplement à vérifier la protrusion de langue, ni à regarder si le frein s'insère à la pointe de la langue. Il faudra également vérifier l'élévation de la langue, ce à quoi il faudra ajouter une évaluation complète des fonctions ainsi que la prise en compte des symptômes de la mère et de l'enfant. Il existe plusieurs outils validés afin d'objectiver si les difficultés peuvent être en faveur d'un frein lingual restrictif, parmi eux, nous retrouvons les protocoles récents suivants. Ces échelles sont notamment utilisées pour accompagner le bilan orthophonique.
- Martinelli et al. (2016a ; 2016b) ont mené une étude concluant que le "Lingual Fenulum Protocol for Infants (LFPI)" était un "outil d'évaluation valide et fiable", permettant d'établir un diagnostic précis concernant les altérations du frein lingual ; cette étude a également permis de valider le "Neonatal Tongue Screening Test".
- Le dernier outil validé est le TABBY (Ingram et al., 2019), validé sur 262 bébés. Il s'agit d'une version imagée du BTAT (Ingram et al., 2015) qui reprend lui-même de façon plus simplifiée l'Assessment Tool for Lingual Frenulum Function (ATLFF) de Hazelbaker. Il avait été conclu que le BTAT permettait "une mesure objective, claire et simple de la sévérité d'un frein de langue", pour mieux repérer les nourrissons nécessitant une intervention et surveiller les effets de la procédure. L'utilisation du BTAT a été reprise dans une étude en Nouvelle-Zélande (Dixon et al., 2018) afin de réduire le taux de frénotomies injustifiées (passant de 11,3% à 3,5% de 2015 à 2017). Le BTAT était utilisé en complément d'une évaluation pluridisciplinaire et un bon accompagnement autour des difficultés de la mère et de l'enfant. Il présente une bonne fiabilité inter-juges.
Le BTAT consiste à vérifier les points suivants :
- Apparence de la pointe de la langue
- Attachement du frein à la gencive inférieure
- Élévation linguale lors des pleurs
- Protrusion linguale
Dans le TABBY, le score est considéré "normal" à 8, "limite" à 6 ou 7, et un score inférieur à 5 suggère un trouble (dans l'étude, tous les patients avec un score à 4 ou moins avaient bénéficié d'une frénotomie).
Dans la vidéo ci-dessous (50'), le Dr Zaghi met en exergue que la "Tongue Posture Hold" pourrait être un outil diagnostic intéressant pour diagnostiquer un frein lingual restrictif chez le nourrisson. Affaire à suivre...
Chez l'enfant coopérant et l'adulte, il existe 5 dimensions à prendre en compte pour établir le diagnostic d'un frein lingual restrictif. Comme évoqué ci-dessus, l'évaluation complète nécessite une approche pluridisciplinaire et s'inscrit dans une recherche de diagnostic différentiel.
Chaque dimension ne permet pas de confirmer l'absence de frein restrictif, mais confirme la présence d'un frein restrictif. Si une mesure indique que tout va bien, il faut observer les autres dimensions.
La première dimension est la Mesure de la Langue Libre de Kotlow (Kotlow Free Tongue Measurement) (Kotlow, 1999). Cette mesure indique que vous devez pouvoir sortir votre langue de 16 millimètres. La mesure se fait de l’insertion du frein à la pointe de la langue et l'on considère que c'est pathologique si c'est inférieur à 16mm.
La seconde dimension est le TRMR-TIP (mobilité antérieure), validé par Yoon et al. en 2017 sur 1052 sujets dans une étude de cohorte prospective (longitudinale). Elle consiste à mesurer l’aperture buccale avec la pointe de la langue sur la papille palatine et de comparer cette mesure avec celle correspondant à l’aperture buccale maximale confortable (CMO – comfortable mouth opening). Cette dernière mesure est prise avec une ouverture confortable et non pas l’ouverture vraiment maximale qui entraînerait des tensions, syncinésies et/ou compensations. On ne demande pas au patient de battre le record mondial de Philip Angus en se disloquant la mâchoire (95mm).
La troisième dimension est le TRMR-LPS (mobilité postérieure), validé par Zaghi et al. en 2021 sur 611 sujets dans une étude de cohorte transversale. Elle consiste à mesurer l'aperture buccale avec la langue en aspiration linguo-palatale (en ventouse au palais, comme pour faire le "clac" du cheval au galop) et de comparer cette mesure avec celle correspondant à la mesure CMO. C'est de cette position que l'on part pour faire comprendre au patient où doit reposer sa langue au repos : il ne s'agit pas que de la pointe de la langue.
Les tables ci-dessous nous renseignent sur ce qui est attendu :
- pour la mobilité antérieure, le TRMR-TIP doit être >50%
- pour la mobilité postérieure, le TRMR-LPS doit être >30%
Cependant, il est important de garder en tête que d'autres facteurs cliniques doivent être considérés, telles qu'une aperture buccale limitée, des tensions, des compensations, ou encore une hypermobilité. En effet, si un patient a une aperture limitée, le TRMR peut sembler être haut alors que le problème vient du fait que l'ouverture de bouche maximale confortable est limitée. A contrario, un patient avec une hypermobilité peut présenter un ratio un peu plus bas que ce qui serait attendu.
La table suivante peut être utile pour vérifier la cohérence des résultats au TRMR.
Consignes de passation (les consignes de passations ont été validées en anglais, les consignes suivantes sont les consignes traduites non officielles):
-Etape 1 : Demander au patient « Ouvrez la bouche aussi grand que possible sans douleur ni inconfort.»
-Etape 2 : « Levez la pointe de votre langue jusqu'à la papille palatine située derrière les incisives supérieures et ouvrez la bouche aussi grand que possible sans douleur ni inconfort. »
-Etape 3 : TRMR-LPS « Levez et aspirez toute la langue au palais (en ventouse, comme pour réaliser le « clac » du cheval au galop) et ouvrez la bouche aussi grand que possible sans douleur ni inconfort. » Pour l'aspiration linguo-palatale, il semble que montrer l'exemple permette une meilleure compréhension de la consigne.
La quatrième dimension concerne les compensations. Actuellement, une étude est en cours avec l'équipe de thérapie myofonctionnelle orofaciale du Breathe Institute (TBI) sur environ 200 patients. Cette étude devrait être disponible courant 2022.
Cette quatrième dimension consiste à évaluer les compensations lors des mesures du TRMR telles que :
- l'élévation du plancher buccal
- l'engagement du cou
- la protrusion mandibulaire
- la latéralisation de la mandibule
- les grimaces
- les syncinésies
Avec 3 niveaux de cotation : léger, modéré
et sévère.
Cette quatrième dimension de du diagnostic
permet par exemple de mettre en évidence
un grade 3 compensé avec un grade 2 au TRMR
grâce à l'élévation du plancher buccal (cf.
cas d'une petite fille de 6 ans dans la
vidéo).
Il est possible de contrôler les compensations du plancher buccal en procédant à la manoeuvre du "maintien du plancher buccal" (Floor of Mouth (FOM) Maneuver). Pour ce faire, on maintient le plancher buccal vers le bas à l'aide d'une sonde cannelée, d'un LiperDevice® ou LinguaStik® ; il est possible de procéder à cette manoeuvre avec les doigts, cependant, il faut veiller à ne pas appuyer sur le frenum lui-même mais sur les canaux. La langue doit pouvoir s'élever indépendamment des canaux (cf. la vidéo à 42'30 pour voir une élévation sans compensation du plancher buccal). On en profite également pour vérifier les éventuelles tensions au niveau du cou et de la face, et sentir "au toucher" la tension du frein (cinquième dimension du diagnostic).
A l'heure actuelle, il n'existe pas de façon "scientifique" de coter la tension, on ne peut pas la coter, il n'est possible de le faire que de façon "clinique" (cf. vidéo à 48').
Les symptômes que présente un nourrisson, un enfant ou un adulte sont plus importants que l'aspect anatomique du frein. Une évaluation pluridisciplinaire et complète des problèmes associés à l'aspect anatomique sont la condition sine qua non pour diagnostiquer un frein lingual restrictif.
Il est important de mener le diagnostic du frein lingual comme un diagnostic différentiel ; par exemple, dans le cas d'une position linguale basse, il faut envisager plusieurs causes (51'20) (tout en gardant à l'esprit qu'une cause peut en entraîner une autre) :
- frein restrictif
- ventilation buccale (par exemple due à des allergies)
- hypotonie linguale
- manque d'espace disponible pour la langue (palais trop étroit pour recevoir la langue)
- restrictions fasciales
- posture de la tête en avant
- parafonctions orales (tétine, succion du pouce/doigts)
- autres troubles oromyofonctionnels
"Le frein lingual ne représente qu'UNE SEULE possibilité concernant une position linguale basse.
La libération chirurgicale n'est PAS TOUJOURS la solution."(Zaghi)
N'oubliez pas, on ne touche pas à un système qui fonctionne ! (« If it ain’t broke, don’t fix it ! »)
Sources :
- Baxter, R. (2020). Frein de Langue. Alabama Tongue-Tie Center Inc.
- Dixon, B., Gray, J., Elliot, N., Shand, B., & Lynn, A. (2018). A multifaceted programme to reduce the rate of tongue-tie release surgery in newborn infants: Observational study. International journal of pediatric otorhinolaryngology, 113, 156–163.
- Ingram, J., Johnson, D., Copeland, M., Churchill, C., Taylor, H., & Emond, A. (2015). The development of a tongue assessment tool to assist with tongue-tie identification. Archives of disease in childhood. Fetal and neonatal edition, 100(4), F344–F348.
- Ingram, J., Copeland, M., Johnson, D., & Emond, A. (2019). The development and evaluation of a picture tongue assessment tool for tongue-tie in breastfed babies (TABBY). International breastfeeding journal, 14, 31.
- Kotlow L. A. (1999). Ankyloglossia (tongue-tie): a diagnostic and treatment quandary. Quintessence international (Berlin, Germany : 1985), 30(4), 259–262.
- Martinelli, R.L.C., Marchesan, I.Q., et Berretin-Felix, G. (2012). Lingual Frenulum Protocol with scores for infants. International Journal of Orofacial Myology. 38, 104-112.
- Martinelli, R.L.C., Marchesan, I.Q., Lauris, J.R., Honorio, H.M., Gusmão, R.J., Berretin-Felix, G. 2016a. Validation of the Lingual Frenulum Protocol for Infants. Int J Orofacial Myology, 42, pp.5-13.
- Martinelli, R.L.C., Marchesan, I.Q., Lauris, J.R., Honorio, H.M., Gusmão, R.J., Berretin-Felix, G. 2016b. Validity and reliability of the neonatal tongue screening test. Rev. CEFAC, 18(6), pp.1323-1331.
- Yoon, A., Zaghi, S., Weitzman, R., Ha, S., Law, C. S., Guilleminault, C., et Liu, S. (2017). Toward a functional definition of ankyloglossia: validating current grading scales for lingual frenulum length and tongue mobility in 1052 subjects. Sleep & breathing = Schlaf & Atmung, 21(3), 767–775.
- Zaghi, S., Shamtoob, S., Peterson, C., Christianson, L., Valcu-Pinkerton, S., Peeran, Z., Fung, B., Kwok-Keung Ng, D., Jagomagi, T., Archambault, N., O'Connor, B., Winslow, K., Lano, M., Murdock, J., Morrissey, L., et Yoon, A. (2021). Assessment of posterior tongue mobility using lingual-palatal suction: progress toward a functional definition of ankyloglossia. Journal of oral rehabilitation, 10.1111/joor.13144. Advance online publication.